Port Saint-Jean

En venant des Bas-Champs en Pleudihen et suivant le chemin de randonnée qui descend vers la mer, après avoir traversé le petit village de La Chapelle Sainte-Magloire et longé les marais d'un ancien étang de retenue d'eau de mer au lieu-dit La Saurais, vous aboutirez à Port Saint-Jean. Presque à la limite de ce village, vos pas vous mèneront au pied d'un ancien manoir :

manoir de Vauboeuf vers 1900 manoir de Vauboeuf en 2000

Le manoir de Vauboeuf fut érigé en 1621 sur les fondations d'une ancienne seigneurie, par Jean de Taillefer, puis restauré en 1671. Aujourd'hui réduit à une bâtisse de taille modeste aux murs épais, il a perdu au cours du temps les fastes que présentaient son domaine. Il a été progressivement morcelé en plusieurs propriétés dont les murs ont souvent disparu. Situé au bord d'anciens marais, près du port, il est presque caché par la végétation qui l'entoure. A l'origine, s'étendant sur une superficie de 6 hectares, il en imposait grâce à ses remparts fortifiés, flanqué d'une tour et de tourelles, entouré de pavillons bordant une cour d'honneur ponctuée d'une fontaine au fronton monumental. Trois allées traversant jardins et vergers se déversaient de la colline que surplombait un moulin-à-vent, menant à un domaine possédant aussi une métairie, un colombier et une petite chapelle qui sera édifiée vers 1767.

ruines du moulin de La Tourniole

Il s'étendait des moulins de la Tourniole, dont il ne reste que les ruines de coursiers que vous aurez observées en venant de La Chapelle Saint-Magloire (au lieu-dit La Saurais) jusqu'au bord de la Rance, son havre et son port. Entre ces limites, il existait des salines dont toute trace a aujourd'hui disparu. Sa possession passera en de nombreuses mains, nobles ou fortunées, dont les premières seront sans doute les seigneurs de Monterfil, à la fin du 15ème siècle, alors que le manoir actuel n'était pas encore construit. Il ne reste de cette époque que les anciennes armoiries surmontant la porte d'entrée. Ancienne demeure nobiliaire devenue aujourd'hui résidence secondaire, elle se dégrade encore petit à petit car délaissée par ses propriétaires métropolitains ... De l'ancien domaine, hormis ce qui reste du manoir, ne subsiste que les murs extérieurs de l'écurie, joliment restaurée en maison d'habitation.

Port Saint-Jean fut un lieu où s'établirent, vers l'an 1100 de notre ère, les chevaliers Hospitaliers de Jérusalem. En ce temps-là, le village s'appelait Port Stablon.

la cale de Port Saint-Jean vers 1900

Ils érigèrent, à proximité du petit port actuel, un hospice qui recevait non seulement les malades, mendiants et pauvres mais aussi les pestiférés et lépreux encore nombreux en ce temps-là. Cet hospice fut par la suite converti en hopital géré par les religieuses sur La Ville-es-Nonais, village voisin. Les campagnes hantées par des brigands se voyaient également protégées par cet ordre monastique dont les membres étaient aussi des guerriers redoutés. Ils assuraient par ailleurs le passage d'une rive à l'autre du fleuve par une barque appelée par la corne de brume. Ce service a disparu en 1928, devenu inutile en raison de la construction du pont Saint-Hubert. Leurs possessions territoriales et la juridiction seigneuriale dont ils héritèrent s'étendaient jusqu'à Hillion sur la côte et Evran dans les terres. Cette commanderie vit son importance décliner au 17ème siècle puis disparaître totalement au début du 19ème siècle. Entretemps, elle érigea deux chapelles, l'une à Port Stablon, l'autre à Vauboeuf. Un violent incendie ravagera le village en 1768, ne préservant que le manoir de Vauboeuf, alors demeure des chevaliers de Malte, et sa chapelle. La légende dit que la statue de Sainte-Anne, alors conservée en ces lieux, fut la protectrice du domaine et le préserva des flammes ...

la cale vers 1900

La chapelle de Port Stablon qui avait déja été reconstruite et restaurée à plusieurs reprises, remise sur pied après cet évènement, fut finalement désaffectée et vendue en 1813. Elle sonna ansi une dernière fois le glas ... pour marquer définitivement la disparition d'une seigneurie monastique qui avait fortement marqué de son empreinte un village qui, pourtant, n'était jusqu'alors jamais devenu paroisse indépendante.

Port Stablon aura toujours été une terre de prédilection pour les religieux : un prieuré, aujourd'hui disparu, fut construit au nom d'une Sainte-Marie des Sablons et un monastère, dont il ne reste rien non plus, fut érigé par des Bénédictins non loin du village, au bord du chemin menant à Doslet.

Bien avant cette époque, déjà, le territoire aujourd'hui dénommé Port Saint-Jean fut sans doute occupé par d'autres hommes car sa situation en faisait naturellement un lieu privilégié, abrité des vents du nord. En ce temps-là, ces terres étaient blotties dans un angle formé par la Rance qui ne présentait pas son cours actuel. Parcourant une faille du massif hercynien, barrée ici par une crête rocheuse qui coupait la vallée, elle longeait la colline en s'enfonçant dans la ria où se nichent aujourd'hui les villages de la Chapelle Saint-Magloire et plus loin Pontlivard, s'écoulant dans une vallée peu encaissée pour se déverser dans la Manche après avoir traversé l'ancien village de Cancale : Kank-Aven ! Les mouvements géologiques dont la Bretagne était souvent le théâtre durant la préhistoire provoquèrent, il y a soixante mille ans, une brèche ouvrant ainsi une autre voie à la rivière : celle menant à la cité d'Aleth. Offrant désormais un débouché maritime plus proche de la Manche, la Rance permettra à Port Saint-Jean de se transformer progressivement en véritable petit port accessible seulement aux marées hautes.

la rade et la cale en 2000

La viticulture était alors la culture la plus importante après celle du blé et les coteaux de Rance avaient bonne réputation sur les tables des gourmets. La rive droite et surtout le mont Garrot étaient presque entièrement couverts de vignes car bénéficiant d'une très bonne exposition. Port Saint-Jean deviendra tout naturellement l'endroit idéal pour l'échouage des embarcations qui se chargeront des récoltes du raisin et du blé produit dans l'arrondissement.

A partir du 18ème siècle, il sera fréquenté par les bateaux arrivant de Paimpol venant charger les pommes récoltées dans les vergers. En effet, par un décret promulgué par Louis XIV en 1687, la Bretagne se vit désormais interdire la plantation de nouvelles vignes ! Celles qui existaient produiront encore pendant quelques décennies pour disparaître finalement du paysage de la vallée. Toute trace de cette culture sera effacée à la fin du 18ème siècle. Ce sont les vergers et la culture des pommes qui la remplaceront. A cette époque, les bateaux accostaient souvent entre les rochers, les engins d'appontage étant très rudimentaires. Le port le permettait grâce à sa situation, à l'abri du courant et des vents dominants.

La cale a été construite en 1897, bordant un mouillage où les bateaux se couchent sur le flanc lorsque la mer se retire.

L'animation qui y règnait a totalement disparu. Seuls quelques plaisanciers la fréquentent encore.

cale de plaisance de La Ville es Nonais

A la limite du pont, vous trouverez un sentier qui vous offrira deux possibilités : soit descendre sur la grève si la marée est basse, soit suivre le littoral en direction de la cale de plaisance de La Ville es Nonais. De là vous aurez de merveilleuses perspectives sur l'aval et vous pourrez poursuivre vers le mont Garrot.


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