Le phoque de Rance

Ferais-je désormais partie du patrimoine naturel de la Rance maritime ? Certains le voudraient ...

phoque en Rance


Il est vrai que je suis, sans doute, le seul specimen de mon espèce à avoir colonisé de manière permanente l'un des nombreux estuaires de la Bretagne. A ce titre, je suis certainement devenue une curiosité locale que beaucoup espèrent rencontrer lors de leur découverte des rives de la Rance maritime. Je vous dois donc de me présenter ... puisque je suis la mieux placée pour vous conter les péripéties de mon histoire pour arriver jusqu'ici.

Je me prénomme L9 ... Oui, je sais, ce n'est pas très poétique ... mais c'est le nom que les hommes m'ont donné.

phoque en Rance

Je suis née en juillet 2000 dans la baie du Mont-Saint-Michel, parmi la colonie de veaux-marins qui y vit depuis de nombreuses années. Ma mère était-elle en mauvaise santé ou m'abandonna-t'elle tout simplement ? Nul ne le sait ... Toujours est-il que je fus délaissée et qu'aucun des membres de notre colonie ne m'adopta. Incapable de me nourrir seule, je dépéris très vite et fus emportée par la marée, échouant sur une plage de Jullouville, dans la Manche, à l'âge d'une semaine, à peine !. J'y fus trouvée par des promeneurs qui alertèrent les biologistes d'Océanopolis. Ceux-ci m'emmenèrent dans leur belle clinique marine et me chouchoutèrent jusqu'en décembre 2000, période après laquelle j'avais pris suffisamment de poids et de force pour devenir indépendante. Ce sont eux qui m'affublèrent de ce prénom ... y ajoutant un nom de famille (?) que vous, humains, n'apprécieriez guère : 994. Oui, vous lisez bien : un numéro, d'ailleurs écrit sur ma carte d'identité, cette bague de couleur orange que je porte sur la patte postérieure gauche. Il est vrai que "Dupont", "Durand" ou ces autres noms qui vous distinguent ne siéraient pas vraiment à un phoque.

phoque en Rance

Rien ne vous interdit de me surnommer plus familièrement ... mais de grâce, rappelez-vous que je suis une femelle. L'un de mes premiers amis en vallée de Rance, me rencontrant au pied du moulin du Prat où je batifolais depuis quelques jours, très surpris (et pour cause) me prit tout d'abord pour un gros ragondin. Il est vrai que je nageais entre deux eaux. Sortant de l'onde (ben oui, quoi !) pour faire connaissance, je me hissai sur le petit promontoire longeant un coursier du moulin et vis alors ses yeux s'écarquiller d'étonnement. Cachant, pour autant que faire se peut, ma nudité (on peut être pudique, non !) je devins pour lui "LE" phoque qu'il s'empressa de surnommer Arthur. J'en ris encore et ne lui en veux pas : nous nous rencontrons bien souvent le long des rives du Prat, de Morgrève et jusqu'à l'écluse de La Hisse, et j'en profite pour lui montrer les beaux poissons que je pêche.

Mais, je m'égare et oublie de vous conter la suite de mon histoire ...

Le 8 décembre 2000, mes sauveurs d'Océanopolis me relachèrent parmi les miens, en baie du Mont Saint-Michel, au Vivier-sur-Mer. Je n'y fus pas accueillie très chaleureusement et me sentis rapidement rejetée : j'étais devenue plus proche des humains que de mes semblables ... J'entrepris alors de remonter les côtes vers l'Ouest, aboutissant un jour dans l'écluse du barrage de la Rance. Les portes se refermant sur le large, piégée, je fus obligée d'en sortir par l'amont et c'est ainsi que je découvris cette belle vallée. Dès le 17 décembre, je fus identifiée et pour cause : je trouvais très commode de me reposer sur certains pontons et les riverains venaient m'y voir. Cela se su très rapidement dans la région et la quiétude des cales que je fréquentais s'en vit perturbée au point que certains habitants réclamèrent ma capture et mon éloignement ! Je n'y peux rien, moi, si ma seule famille c'est vous, les hommes ...

Le 17 août 2001, les gars d'Océanopolis me recapturèrent pour aller me lâcher, une fois de plus, parmi les phoques de la baie ! Peine perdue : je m'ébattais à nouveau dans les eaux de la Rance dès le 24 août ! J'espère qu'ils auront maintenant compris et qu'ils me laisseront vivre ma destinée telle que je l'entends. D'ailleurs, un de ces jours, l'un ou l'autre mâle de la baie viendra m'y rejoindre et nous formerons une petite famille. Je dois vous dire, en effet, que nous autres veaux-marins avons des facultés olfactives insoupçonnables dans notre milieu naturel ! Et comme j'ai laissé quelques traces en remontant la rivière ...

phoque en Rance

Attention : ne vous méprenez surtout pas ! Si j'apprécie la compagnie des humains, je n'en suis pas moins très différente et vous conseille de ne pas trop m'approcher. S'il m'arrive de batifoler en compagnie d'enfants nageant dans l'estuaire, mes défenses naturelles peuvent être redoutables. Mes griffes sont acérées, mes dents aussi, et parfois porteuses de virus que je pourrais vous transmettre si, par mégarde, j'en arrivais à vous toucher. Aussi, ne vous approchez pas trop de moi et, surtout, ne soyez pas tenté de me nourrir : je suis parfaitement capable de subvenir à mes besoins et si d'aventure, nous nous rencontrions, j'aurai plaisir à vous montrer les proies que je capture. Vous pourrez me voir devant les coursiers du moulin du Prat : j'y viens souvent car l'endroit est agréable. En réalité, je ne fais qu'y passer lorsque les hauteurs d'eau le permettent, me cantonnant entre la Pointe du Chêne Vert et l'écluse de La Hisse où j'ai installé mon territoire. Il est poissonneux et beaucoup moins fréquenté par certaines embarcations qui me blessèrent souvent lorsque, à mon arrivée dans la région, je nageais devant Plouer et Saint-Suliac.

Si vous êtes de passage, peut-être nous verrons-nous, un de ces jours ...


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